A l’initiative du Centre français des fonds et fondation, une rencontre était organisée ce vendredi 15 janvier 2016 à la Fondation EDF sur le thème de « la contribution de la fondation d’entreprise à la démarche RSE de l’entreprise ».
Quelles frontières et quelle définition ?
D’aucun juge ce débat artificiel, considérant que de facto, la Fondation s’intègre dans la contribution sociétale des entreprises. D’autres, au contraire, estiment que la Fondation n’a pas sa place dans la stratégie RSE de l’entreprise, un organisme d’intérêt général étant par essence déconnecté des enjeux de l’entreprise, le débat ne pouvant porter que sur les frontières « mécénat / RSE ».
Évacuons d’emblée la problématique de terminologie et le périmètre. Doit-on parler de responsabilité sociale ? de responsabilité sociétale ? de responsabilité sociale et environnementale ? de développement durable ? En réalité, la RSE couvre l’ensemble de ces définitions dans une seule et unique dynamique : celle de la « responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société » selon une définition proposée par la Commission européenne.
La RSE « conduit ainsi les entreprises à se fixer des objectifs non seulement économique, mais aussi sociaux, sociétaux et environnementaux afin d’inscrire sa croissance dans le long terme » comme le souligne Isabelle de Bayser Directrice d’Active RSE. En France la norme ISO 26000 permet de décliner la RSE au travers de 7 principes, résumés dans la marguerite ci-dessous :
Source : http://labelsetterritoires.eu
Issue d’un large consensus et approuvée par 99 pays, cette norme définit la responsabilité des entreprises en matière sociétale et repose sur 3 points essentiels : le principe de responsabilité, l’implication des parties prenantes et la déclinaison des 7 principes illustrés plus haut. Par ailleurs, la loi NRE de 2001 oblige les entreprises cotées à rendre public un reporting social et environnemental.
Ainsi, le principe même de responsabilité est de rendre compte de ses actions dans une dynamique de transparence. Les choix stratégique de l’entreprise doivent être expliqués et s’inscrire dans un reporting public. Le dialogue avec l’interne et l’externe est également l’un des grands principes de la RSE. Dès lors, le mécénat s’intègre parfaitement dans une dynamique d’engagement citoyen de l’entreprise.
Un engagement volontaire de l’entreprise
Jusque dans le début des années 2000, le même débat a animé la communauté professionnelle des acteurs du mécénat au sujet des interactions « communication / mécénat ». Le mécénat (et a fortiori la Fondation – identité encore plus forte d’une politique de mécénat) procédait-il du prolongement de la communication de l’entreprise puisqu’il contribue à l’image de la marque ou au contraire exprimait-il un engagement volontaire en faveur de l’intérêt général, marqueur d’une contribution financière envers les territoires sur lesquels l’entreprise est implantée ?
Ce débat n’a jamais été vraiment résolu, même si personnellement je milite pour une déconnexion totale de la Fondation vis-à-vis de la communication corporate. Néanmoins, les habitudes se sont installées et chaque entreprise mène aujourd’hui une politique de mécénat qui lui est unique et qui s’intègre dans son identité. Faut-il rejouer la bataille d’hernanie et chercher à opposer le couple « RSE / Mécénat » ou ne faudrait-il pas accepter que le mécénat s’intègre naturellement dans une stratégie RSE, quand bien même il serait mis en œuvre au travers d’une fondation (outil juridiquement distinct de l’entreprise) ?
Walt Disney a résolu ce nœud gordien en intégrant pleinement le mécénat dans sa politique RSE, dans une démarche largement ouverte envers ses parties prenantes (cf. le schéma ci-dessous). Les entreprises anglo-Saxonness, comme Disney, identifient cette approche sous le nom de « corporate citizenship » qui recouvre l’ensemble des engagements volontaires de l’entreprise envers les communautés locales. Cette notion est intéressante car elle couvre un spectre plus large que la définition française du mécénat qui obéit avant tout à un cadre fiscal : celui de l’intérêt général.
Jeff Archambault, Vice President Corporate Citizenship EMA, souligne que la démarche d’acteur responsable de Disney est intégrée : « conduire le business et créer les produits de manière éthique, mais aussi inspirer les autres en faisant la promotion du bien-être et du vivre ensemble sont les marqueurs de notre engagement citoyen ». Valeurs propres au Groupe, objectifs de RSE et politique de mécénat sont indissolubles. Si Disney possède une Fondation, elle n’est dédiée qu’aux seuls financements de dispositifs liés à ses salariés (exclusivement aux USA), le choix a été fait de s’affranchir d’une telle structure pour son mécénat lié aux parties prenantes externes. Cette approche américaine relève sans aucun doute d’un pragmatisme des affaires où tout un chacun est impliqué dans un même territoire : « toutes les actions qui font du bien à la communauté sont bonnes à prendre » confirme-t-il. Plus qu’une cohérence, sans doute faut-il y voir une imbrication entre les valeurs véhiculées par la marque et l’implication du Groupe dans la société toute entière, en particulier au regard du poids financier et culturel de Disney. C’est du « gagnant-gagnant » insiste enfin Jeff, « de la valeur-partagée pour tout un chacun [share-value] ».
Les esprits cartésiens y verront peut-être une forme de confusion entre les intérêts de l’entreprise et ceux de la société civile. J’y vois pour ma part une forme de réalisme. Les Américains privilégient la finalité aux modalités alors qu’en France, le débat « Mécénat / RSE » est corseté dans une notion purement fiscale et juridique au détriment de la vision sociétale. Je crois donc qu’il n’ y pas lieu d’opposer les deux d’autant plus que ni les salariés, ni le grand public, ne font bien souvent la distinction entre les différents moyens d’interventions dont dispose l’entreprise.
C’est le parti prit par Adecco. Conscient que le travail temporaire génère certaines externalités négatives, le Groupe a souhaité réfléchir à une politique RSE large avec une vision précise de ce qui relève de la responsabilité première de l’entreprise (la santé et la sécurité au travail, l’évolution professionnelle par exemple), des politiques liées à l’emploi en général comme l’enjeu central de l’égalité des chances. Pour Bruce Roch, Délégué général de la Fondation Groupe Adecco et Directeur de la RSE la séparation est évidente et ils se créent des synergies naturelles entre RSE et mécénat, sans confusion possible.
Pour conclure, si « la RSE n’est que le respect des règles que l’on est en droit d’attendre d‘une entreprise » comme l’indique Muriel Voisin Directrice RSE de Dalkia, « le mécénat est avant tout un acte libre et volontaire de l’entreprise » comme le rappelle Delphine Lalu Déléguée générale de la Fondation AG2R la Mondiale. S’il est évident que le mécénat à la française a du mal à s’intégrer dans les cadres internationaux du reporting extra-financier, il n’en reste pas moins qu’il est pleinement complémentaire d’une démarche RSE. L’existence d’une Fondation est par ailleurs un marqueur fort de l’entreprise envers la société civile, un engagement pérenne et aux bénéfices du plus grand nombre !
Auteur Nils Pedersen Conseiller Mécénat chez Fondation EDF
Article diffusé sur linkedin le 26 janvier 2016.
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