Les arguments critiques de cette trop importante dépense fiscale sont nombreux :
C’est un « manque à gagner »
La critique n°1 du mécénat, c’est que c’est un grand « manque à gagner ». À droite comme à gauche, on lutte contre cette dépense excessive. Gilles Carrez, Président de la commission des finances de l’Assemblée nationale depuis 2012 et député-maire (UMP) du Perreux (Val-de-Marne) a déposé un amendement en 2012 pour réduire l’avantage fiscal octroyé aux mécènes. Cet amendement a été examiné en séance puis rejeté le 7 décembre 2012.
Pendant l’été 2012, Jérôme Cahuzac (PS), à l’époque ministre du Budget, avait déjà critiqué le mécénat tel qu’il est actuellement pratiqué, en l’assimilant à une niche fiscale.
Le mécénat appauvrit l’État (qui n’a pas besoin de ça)
Dernièrement, Danielle Simonnet, conseillère de Paris, élue du 20e arrondissement et Secrétaire Nationale du Front de Gauche, a été très visible sur twitter lors de son analyse du Conseil de Paris: « Regardez donc l’absurdité de la logique : Vous encouragez le développement du mécénat pour financer nos politiques publiques. Forcément vu les baisses des dotations de l’état imposées, il manque des sous ! Mais en retour, l’argent qui sera accordé par les mécènes, amoureux de Paris, riches particulier et grosses entreprises, fera l’objet d’une défiscalisation qui contribuera à appauvrir l’État. Par effet ricochet, il faudra donc recourir plus encore au mécénat, car l’État appauvri justifiera de nouvelles baisses. Mais quelle logique ! ». C’est assez logique, c’est vrai.
Faire un mécénat plus light : freinons la dérive
On propose régulièrement la réduction de la part du don déductible. Gilles Carrez, spécialiste des finances publiques, souhaitait, par le biais de l’amendement qu’il a cosigné avec Marie-Christine Dalloz (UMP, Jura), que la part du don déductible de l’impôt sur les sociétés (ou sur le revenu, pour les particuliers) soit réduite de 60 à 50%, dans la limite de 1 pour mille du chiffres d’affaires (au lieu de 5 pour mille, actuellement) : « mon amendement n° 23 vise, sans pour autant remettre en cause le mécénat d’entreprise, vraiment très utile, à adopter un taux plus raisonnable, soit 50 % au lieu de 60 %, pour essayer de freiner un peu la dérive de la dépense fiscale », avait-il expliqué.
Tous ces arguments sont sensés et à prendre en considération, de même, penchons-nous maintenant sur les bénéfices du mécénat.
L’État n’a plus d’argent pour subventionner
On peut penser que le mécénat, en tant que financement propre, permet de ne pas avoir à verser des subventions ou des crédits directs aux acteurs concernés, qui pourraient lui coûter bien plus encore.
Par ailleurs, il est important de rappeler que les sommes allouées sont nécessaires à ceux qui les reçoivent, qui peuvent ainsi réaliser certains projets qui, sans cette aide, auraient été impossibles. En outre, même si le montant de cette dépense est important, il reste préférable à celui que l’État devrait concéder s’il finançait 100% de ces projets.
Le mécénat rapporte !
159 000 entreprises pratiquent le mécénat en France. Le budget du mécénat d’entreprise s’est élevé à 2,8 milliards d’euros en 2014 (source CSA Admical). Ce qui n’est pas peu. La répartition du budget est la suivante : 38% du pour le social, 16 % du budget pour la santé, 13 % du budget, destinés à la culture et au patrimoine, 8 % du budget destinés à la solidarité internationale, 5% du budget pour le sport et 3% du budget pour l’environnement.
2,8 milliards versus 635 millions. Il s’agit de sommes considérables dont on peut éventuellement considérer qu’elles permettent de compenser la dépense fiscale liée au mécénat d’entreprise qui, elle, s’élève à environ 635 millions d’euros.
Tout le monde n’optimise pas fiscalement à tout va !
D’abord, il faut comprendre que toutes les entreprises ne maîtrisent pas ce dispositif. Ensuite, il ne faut probablement pas considérer que ces avantages fiscaux soient l’unique raison pour laquelle certaines entreprises choisissent de mener une démarche de mécénat. 45% des entreprises n’utilisent pas la déduction fiscale (source CSA ADmical) Dans le cas des particuliers, en revanche, il est possible que la réduction d’impôts constitue une motivation plus récurrente, notamment parce qu’elle est plus importante pour eux que pour les entreprises et parce que les particuliers ne tirent pas nécessairement de bénéfices en termes de communication ou d’image grâce au mécénat. Là encore, l’engagement personnel ne doit toutefois pas être nié et joue probablement un rôle dans beaucoup de décisions de financement de projets par des particuliers.
Mécéner c’est choisir
Un dernier aspect intéressant est l’aspect démocratique qui permet aux contribuables, plutôt que de payer un impôt, qui sera affecté d’une manière sur laquelle ils n’ont presque aucun contrôle, d’affecter leurs dons directement. Le mécénat est une forme d’engagement qui permet de choisir soi-même comment on souhaite contribuer à l’intérêt général.
Un dernier fait concernant l’impact des avantages fiscaux sur le mécénat des particuliers doit être relevé : pour tous ceux qui ne paient pas d’impôts, c’est-à-dire environ 50 % des citoyens français, cette réduction fiscale n’a bien sûr pas de sens…
Vous avez réussi à vous décider pour ou contre? C’est presque impossible parce que quand on les met face-à-face, tous les arguments se répondent. La prochaine fois, on vous parlera de privatisation et de marchandisation.
Qui craint le grand méchant mécénat ? C’est pas nous, c’est pas nous.
Le mécénat, vilain gros mot, terme de fantasmes et de réalités parfois peu visibles, est souvent remis en question. Adulé et chahuté, il nourrit nombre de discussions. Apologies versus polémiques, nous nous interrogeons dans cette rubrique sur ce qui fait toute la richesse du mécénat, et sur les problématiques qui sous-tendent ce dispositif soutenu par l’Etat mais mis en danger régulièrement. En essayant de nous parer de neutralité, nous tentons dans ces articles de décortiquer les angles d’attaque du mécénat, en étant tout à la fois docteur Jekyll et Mister Hyde !